Le champion olympique du 100 mètres nage libre, Alain Bernard, a quitté l’équipementier britannique Speedo pour rejoindre le team Arena Antibes – Thalazur. Interview croisée de l’athlète et de Nicolas Préault, Directeur général d’Arena France.
– Alain Bernard, vous changez donc d’équipementier ?
– Alain Bernard : Oui. A partir du 1er janvier 2009. Je rejoins le team Arena. Je pense qu’on a beaucoup de choses à s’apporter l’un l’autre, c’est une grande aventure que nous allons écrire et que nous allons vivre. C’est une décision mûrement réfléchie. Elle est prise. Elle est définitive et je suis vraiment ravi de m’engager dans ce partenariat.
– Nicolas Préault. Votre impression…
– Nicolas Préault : Je m’exprime au nom d’Arena et de l’ensemble des membres du groupe. L’équipe d’Arena discute avec Alain depuis bien longtemps, bien avant Eindhoven. Les premiers contacts datent d’août 2007. Les discussions ont été très longues pour deux raisons principales. La première, vous connaissez sûrement Alain comme athlète, peut être moins en tant que personne. C’est quelqu’un qui ne laisse rien au hasard. Il a discuté tous les aspects du projet qu’on voulait lui proposer pour les années à venir. La deuxième raison, c’est que changer d’équipementier est une décision difficile à prendre surtout quand on est un athlète comme Alain, extrêmement fidèle dans ses partenariats. Dès la création de la marque voici 35 ans, Arena a collaboré avec de très grands nageurs, et de très grands sprinters comme Mark Spitz, Matt Biondi, Alexander Popov. Alain Bernard s’inscrit dans cette lignée et va continuer à écrire cette histoire dans les années à venir. Arena place toujours les athlètes au cur de sa stratégie. Arena est une marque de sport, on est des spécialistes de la natation et les athlètes sont les premiers ambassadeurs de la marque. Ils travaillent avec nous sur le développement des produits et certains deviennent des ambassadeurs de la marque et des icônes de notre communication. On va donc se mettre au travail très rapidement pour continuer le développement des combinaisons. Il sera aussi associé à la communication via des visuels qui verront le jour au printemps 2009.
– Quel effet cela fait-il d’être l’enjeu de deux équipementiers ?
– AB : C’est bien. Cela veut dire que j’ai le niveau pour qu’on s’intéresse à moi et que j’ai le choix. Je me suis arrêté sur une décision. Cela n’a pas été facile. Aujourd’hui c’est peut-être Speedo qui est le leader après tous les records qui sont tombés. Cela dit, Arena a été présent aussi au très haut niveau ces dernières années. Je pense qu’Arena a envie de rebondir après ce qui s’est passé cette année et je suis très heureux de pouvoir participer à ce projet de développement et de son retour au premier plan en tant qu’équipementier.
– NP : C’est un sujet qui nous touche directement. Ce qui s’est passé dans les bassins pendant les Jeux de Pékin ont été des moments très difficiles à vivre pour l’ensemble des équipes qui travaillent pour le groupe Arena. On est tous des compétiteurs. On adore gagner. On accepte aussi la défaite. Mais c’est plus difficile de perdre quand les règles du jeu sont modifiées en cours de match. Je veux vous rappeler que la FINA a modifié la réglementation sur les équipements quelques mois avant les Jeux. Arena a dû en très peu de temps, en trois mois en vérité, se mettre d’arrache-pied au travail pour proposer à nos athlètes une combinaison équivalente à celle de nos concurrents. C’est très court, une course contre la montre. Au moment où je vous parle la combinaison est finalisée. On est en train de travailler sur d’autres pistes sachant que cette évolution de la réglementation ouvre beaucoup de possibilités. Arena a dédié une équipe qui travaille tous les jours sur le développement de nouvelles technologies que vous retrouvez sur nos athlètes prochainement et notamment pour les prochains mondiaux à Rome. Alain va devenir l’athlète qui sera en contact avec nos chercheurs, nos ingénieurs, nos techniciens pour développer la combinaison. Alain a cette qualité rare d’être capable de tester une technologie et au sortir de l’eau de transmettre des informations précises et précieuses pour finaliser nos combinaisons.
– Pourquoi changez-vous d’équipementier ?
– AB : Je change d’équipementier parce que j’ai envie d’être au cur d’un projet. Il y a plusieurs aspects qui m’ont séduit : technologique, financier, marketing, communication. Mais c’est l’ensemble qui me séduit. La proximité qu’Arena sait mettre en uvre auprès des nageurs est par ailleurs un réel atout. Avant, quand on partait en compétition, il y avait tout le temps des gars d’Arena avec des équipements pour répondre à nos besoins. J’ai besoin d’être entouré, d’être encadré. Cela fait huit ans que je suis avec Denis Auguin… je suis bien encadré à Antibes. J’ai besoin d’un équilibre, de me sentir soutenu. Cette assurance de proximité m’a beaucoup rassuré dans cette prise de décision.
– Chez Speedo, vous étiez un champion parmi d’autres. Chez Arena vous serez davantage chouchouté ?
– AB : Non, il ne s’agit pas d’être davantage chouchouté ! C’est tout simplement pour me sentir mieux, plus encadré, d’avoir des personnes auprès de moi quand j’en ai besoin.
– Davantage pris en considération alors ?
– AB : Oui, davantage pris en considération. A ma juste valeur disons.
– Avez-vous été associé au développement chez Speedo ?
– AB : Non, jamais. Or le domaine scientifique m’intéresse. Et je pense que nous pouvons nous apporter beaucoup de choses l’un et l’autre.
– NP : Pour nous, cette relation étroite avec les athlètes est absolument indispensable pour le développement de nos produits. On peut travailler avec les meilleures équipes en laboratoire. Au bout du compte, ce sont les athlètes qui utilisent ces technologies et la natation est d’abord un sport de sensation. Nous sélectionnons certains de nos athlètes pour effectuer ce travail avec nous. Nous prenons en compte bien sûr leurs résultats mais aussi leur capacité à nous transmettre de façon extrêmement pointue et détaillée leur ressenti afin d’évoluer dans le bon sens.
– L’an dernier quand l’actualité s’est concentrée sur les combinaisons, vous avez déclaré que vous étiez fidèle à votre combinaison et vous avez comparé cette fidélité à celle que vous avez aussi avec votre entraîneur Denis Auguin en vous basant sur la confiance. Alors Denis peut trembler ?
– AB, souriant : Ah non cela n’a rien à voir
C’est complètement différent. Je pense que c’est une nouvelle aventure pour moi et je suis au cur de ce projet. J’espère que dans quelques mois, dans six mois, dans un an, on sera fier d’avoir développé ensemble un produit efficace.
– NP : Alain va bénéficier de la combinaison qui a été finalisée pendant les Jeux et après les Jeux. En parallèle il va travailler pour développer une toute nouvelle combinaison… Et croyez moi, il y a du boulot ! Il existe beaucoup de possibilités liées à l’élargissement du cadre donné par la FINA.
– Offrez-vous des garanties à Alain Bernard ?
– NP : On peut faire ici un parallèle avec la Formule 1. Quand un pilote a envie de changer d’écurie, il peut faire des essais privés avec la voiture proposée. On est ici dans une démarche similaire. D’abord on a rassuré Alain mais aussi Denis Auguin qui a été associé à l’aspect technique. On a expliqué à Alain quels étaient nos axes de travail pour les mois à venir sachant que l’échéance, ce sont les Monde à Rome.
– AB : J’avais surtout besoin de confiance. Même si on ne se connaît pas depuis très longtemps, ils ont su me démontrer qu’ils étaient déterminés.
– NP : Alain Bernard est un personnage atypique. Quand une marque approche un athlète, elle doit généralement lui expliquer le contenu du projet. Là, c’est l’inverse qui s’est produit. Il nous a expliqué, dès le premier contact, que ce qui l’intéressait dans sa relation avec un équipementier, c’était de travailler sur un projet. Il nous l’a ensuite détaillé. Son projet coïncidait parfaitement avec le nôtre. On s’est compris très rapidement !
– Dans un contrat comme celui qui vient d’être signé entre vous, existe-il des clauses permettant à l’athlète d’utiliser un autre matériel que celui de son équipementier ?
– NP : En F1, quand une écurie signe un pilote on n’imagine pas de laisser le pilote choisir une autre voiture s’il juge que celle qui lui est fournie n’est pas performante.
– AB : On a même pas pensé à ça ! Quand je nageais avec Speedo et que les combinaisons Powerskin d’Arena étaient soi-disant plus performantes, je n’ai jamais été tenté de changer d’équipement. Quand je me suis engagé, je tiens mes engagements. Si on commence à aller à gauche, à droite, cela veut dire que l’on n’est pas bien dans sa tête, on n’est pas posé, on n’est pas stable. C’est pour cela que je prends mon temps pour décider mais ensuite je m’y tiens.
– NP : Enormément de papiers ont été écrits autour des combinaisons. On note que les nageurs qui étaient performants ont gagné. Ceux qui l’étaient moins, et quel que soit le choix de la combinaison, n’étaient pas sur les podiums. Prenons l’exemple de Phelps. Il nage une grande partie de ses courses en pantalon et il est devant. On constate donc que ce ne sont pas les combinaisons qui font le nageur mais bien le contraire.
– L’année dernière, vous étiez un peu agacé que l’on parle autant des combinaisons
– AB : Oui car cela dévaluait la performance. On entendait : il a fait tel temps et c’est grâce à la combinaison. Cela m’a profondément agacé. A Eindhoven, j’ai aussi entendu que je nageais vite grâce à la combinaison. Oui, on peut l’intégrer dans la performance car elle est là. Il existe une course au développement technique. Mais les performances propres aux combinaisons sont inquantifiables. C’est vrai… on a franchi un cap sur le développement. On a notamment intégré des plaques de polyuréthane sur les combinaisons. Ce qui est totalement nouveau.
– NP : La première combinaison développée par Arena avant les JO et présentée lors des championnats d’Europe convient à certains nageurs. Pellegrini bat le record du monde du 400m NL avec cette combinaison. Lors de la Coupe du monde à Berlin, l’Allemand Paul Biedermann bat un vieux record du monde du 200 m NL (PB) de Thorpe avec une combinaison sans plaques de polyuréthane. Arena va être la seule marque à proposer plusieurs technologies pour satisfaire différents nageurs et différentes disciplines afin de respecter leur sensation.
– Quelles sont les sanctions pour les nageurs sous contrat Arena qui n’ont pas porté vos combinaisons ?
– NP : C’est un problème que l’on gère en interne avec la plus grande intelligence. Pendant les Jeux, nous avons décidé de ne pas intervenir car nous savons trop ce que représente cette échéance pour eux. Après les Jeux, on a approché les athlètes un par un. On a tenté de comprendre ce qui s’était passé et d’apporter des solutions. Elles sont multiples et s’adaptent à chaque situation.
– Y aura-t-il des campagnes d’affichage Arena avec Alain Bernard ?
– NP : Oui, cela fait partie du projet. Il y a l’aspect technique mais aussi la communication. Nous avons toujours eu des athlètes comme icônes au sein de notre communication. Roxana Maracineanu, Alexander Popov et Laure Manaudou se sont succédés. Alain sera associé à notre campagne dès 2009. On lui a présenté un visuel qui met en valeur ses qualités à la fois physique mais aussi humaine et ce visuel s’intègre dans la stratégie de communication lancée en 2008.