A chauqe semaine son annonce. Le groupe Amaury lance sa contre-offensive face à l’arrivée de nouveaux quotidiens sportifs. Le groupe de presse (L’Equipe, Aujourd’hui en France, Le Parisien, France Football, Vélo Magazine) officialise le lancement dans les prochaines semaines d’un nouveau quotidien sportif principalement dédié au football, aux courses hippiques et à quelques grands sports, vendu 0,50 euro.
L’éditeur de L’Equipe a vu ces dernières semaines différents projets s’annoncer sur l’information sportive : Le 10 Sport sera lancé le 3 novembre par l’ancien conseiller sportif du PSG et Directeur Général de Hersant Médias Michel Moulin avec le soutien d’Alain Weill et l’apport de RMC Sport, dédié en grande partie au football et également vendu au prix de 0,50 euro ; Le Foot, vendu 0,60 euro par le groupe Lafont Presse à partir du 25 janvier 2009 ; et enfin le passage en quotidien de la publication But.
Le nouveau venu sortira sept jours sur sept, avec un ton (qui) se veut ‘coup de poing’, interactif et ludique. Dirigé par le rédacteur en chef adjoint des sports du Parisien, Karim Nedjari, le quotidien, dont le nom reste inconnu, sera doté d’une équipe indépendante des autres parutions du groupe.
La contre-attaque du groupe Amaury était attendue. Elle ressemble trait pour trait à celle qu’avait programmée le groupe lorsque le projet d’un Bild à la française était en préparation. Finalement, en invoquant les coûts d’impression et le manque de points de distribution en France, l’éditeur allemand Axel Springer s’était ravisé. La décision du groupe de lancer un nouveau quotidien peut sembler curieuse. En réalité, elle est diaboliquement judicieuse. Tous les acteurs du secteur s’accordent à dire qu’il n’y a pas de place pour autant de quotidiens sportifs. Avec son nouveau titre, Amaury cherche à paralyser le marché. Plus il y aura de titres, et plus les ventes seront dispersées. Ce qui rendra d’autant plus difficile pour certains d’atteindre leurs objectifs de vente.
Michel Moulin ne s’y trompe d’ailleurs pas. Ils (les décisionnaires du groupe Amaury) étaient les premiers à critiquer et à dire qu’il était impossible de créer un journal à 50 centimes d’euro et maintenant ils font la même chose. Je ne suis pas dupe : leur stratégie est de me tuer rapidement, affirme Michel Moulin. Je trouve dramatique qu’ils sortent un produit comme celui-là. Cela veut dire qu’ils ont grugé les Français pendant des années en les privant d’un journal à un prix abordable.
Toutefois, le risque existe que ce nouveau support ne concurrence Le Parisien et sa déclinaison nationale, Aujourd’hui en France (NDLR : née d’ailleurs pour protéger Le Parisien contre les assauts de Info Matin en 1994), qui traitent abondamment du football et des courses hippiques dans leurs pages. Quid également du bi-hebdomadaire France Football, dont les résultats déçoivent depuis plusieurs années ?
Avec ce foisonnement de nouveaux titres, c’est une bataille sans précédent qui s’annonce sur le créneau jusqu’ici très calme des quotidiens sportifs. Même s’il reste le quotidien national payant le plus lu, L’Equipe a vu sa diffusion baisser de 7,80% en 2007, à 323.184 exemplaires. Sur les huit premiers mois de 2008, elle a encore reculé de 1,35% malgré une actualité sportive chargée (avec le Championnat d’Europe des Nations en football et les Jeux olympiques de Pékin notamment).
700 à 800 millions d’euros de pertes à l’horizon 2015
Cette déferlante de quotidiens sportifs intervient dans un contexte difficile pour la presse écrite. Selon une étude du cabinet de conseil en stratégie OC&C Strategy Consultants, la presse écrite payante française devrait globalement passer dans le rouge dès 2010-2011 et pourrait accuser une perte de 700 à 800 millions d’euros à l’horizon 2015. Depuis des années, la presse écrite s’est contentée d’un modèle économique peu performant, aujourd’hui elle dispose d’une faible marge de manoeuvre pour prendre les options stratégiques qui s’imposent afin de préparer les années à venir, préviennent les auteurs de l’étude. De 2000 à 2007, le secteur (presse quotidienne d’informations générales, presse payante d’annonces, presse magazine grand public) a vu son chiffre d’affaires global stagner autour de 8 milliards d’euros. La diffusion a diminué de 2% par an, une érosion compensée par une augmentation régulière du prix de vente au numéro (+2,3% entre 2002 et 2007). Les revenus publicitaires ont progressé moins vite que le reste du marché et ont commencé à décliner avec l’arrivée d’Internet. Selon les auteurs, la baisse des revenus accessibles dans un secteur à forts coûts fixes entraîne inévitablement la concentration du secteur autour de quelques grands acteurs. Les coûts éditoriaux devront s’amortir sur de nombreux supports et les groupes médias doivent rapidement se constituer un portefeuille internet avant que les acteurs étrangers ne le fassent, estiment-ils.