On le pensait riche et opulent. En réalité, le football anglais croule sous les dettes. Le football le plus lucratif au monde est endetté à hauteur de 3 milliards de livres (quelque 3,9 milliards d’euros), indique le président de la fédération (FA), mettant en garde contre un danger terrible guettant les clubs dans la crise financière actuelle.
La meilleure évaluation que j’ai obtenue à la City est que les dettes du football anglais dans son entier ont probablement atteint la barre des 3 milliards de livres, a déclaré David Triesman lors d’un colloque, Leaders in football, tenu dans le stade Chelsea, à Stamford Bridge. Selon lui, les quatre grands clubs (Arsenal, Chelsea, Liverpool et Manchester United) seraient à eux-seuls endettés pour le tiers de la somme globale. Selon les derniers chiffres disponibles, la dette de Chelsea serait de 619 millions de livres (792 millions d’euros), celle de Manchester United de 604 millions de livres (772 millions d’euros), celle d’Arsenal de 318 millions de livres (407 millions d’euros). Toutefois, les situations différent d’un club à un autre. Pour Chelsea, l’épaisseur du compte en banque de son milliardaire de propriétaire, le Russe Roman Abramovich, le met à l’abri du besoin. Celle de Manchester United est suspecte. Hier, le champion d’Europe était le club le plus vertueux au monde. Peu de dépenses sur le marché des transferts, des départs bien négociés et des investissements consentis sur son outil de travail, le stade. Mais la reprise du club par le milliardaire américain Malcolm Glazer a fait bondir sa dette. C’est par l’emprunt que l’Américain a mis la main sur MU. Ses deux compatriotes George Gillett et Tom Hicks ont opéré de la même façon pour enlever Liverpool contre 174 millions de livres. Si bien que le club n’a aujourd’hui pas les moyens de financer le nouveau stade qui doit lui permettre de changer de dimension économique. Quant à Arsenal, le montant de la dette est certe important, mais il tient au lourd investissement consenti pour construire l’Emirates Stadium. Depuis, les recettes d’Arsenal ont explosé. Le club vient d’annoncer un bénéfice avant impôt de 36,7 millions de livres (46,5 millions d’euros), contre 26,9 millions l’an passé. Mais le ralentissement du marché de l’immobilier lui est préjudiciable puisque la transformation du stade d’Highbury en appartements ne se passe pas aussi bien que prévu.
Est-ce que je redoutais que Lehman Brothers s’effondre? Non.
Si tout part de travers, il n’est pas inconcevable de voir un grand club, ou un petit club, subir une pression inédite, a mis en garde Triesman. Toutefois, l’alerte vaut surtout pour les autres clubs anglais. Ceux dont les actionnaires ne sont pas aussi solides et dont les recettes n’atteignent pas de tels niveaux. Mettant en garde contre un danger terrible, Triesman a expliqué que les clubs commençaient à voir le bord de l’ouragan de la crise financière mondiale et qu’il allait désormais falloir sortir de sa trajectoire. A la question de savoir si une faillite de club anglais était envisageable, Triesman a rétorqué : Est-ce que je redoutais que Lehman Brothers s’effondre ? Non.
Ce que je sais, c’est que nous sommes dans une situation instable où ce n’est pas seulement le volume de la dette qui importe, mais où elle peut être un problème parce que ceux qui la détiennent sont désormais eux mêmes dans de graves difficultés’, a-t-il expliqué, relevant le manque de transparence sur qui détient cette dette.
Le sort de West Ham inquiète particulièrement. Le club londonien cumule les déboires. Il vient de perdre son principal sponsor, la compagnie aérienne XL Leisure Group, pour cause de faillite. Le club a été racheté il y a quelques mois par des hommes d’affaires islandais, largement soutenus par les banques de leur pays. Or celles-ci sont particulièrement éprouvées par la crise financière. Le propriétaire du club, Björgolfur Gudmundsson, était le président et l’un des principaux actionnaires de la deuxième banque islandaise, Landsbanki… nationalisée ! Gudmundsson ne va pas retirer son argent du club, mais ces événements ont limité ses possibilités de nouveaux investissements cette année, a reconnu le vice-président du club londonien, Asgeir Fridgeirsson. De plus, le club a été condamné à une amende de 5,5 millions de livres (environ 8,2 millions d’euros) pour avoir fait jouer l’Argentin Carlos Tevez sans y être autorisé il y a deux saisons de cela. Et Sheffield United, lésé dans l’affaire car rétrogradé à l’échelon inférieur, réclame plusieurs dizaines de millions en dommages et intérêts.
On demande à voir
Le secrétaire général de l’UEFA David Taylor prévient les clubs trop endettés qu’ils s’exposent à une exclusion des compétitions européennes. Il y aura des formes de communications, des avertissements, des réprimandes avant d’arriver à une situation d’exclusion. Mais c’est complètement possible. C’est la sanction ultime, indique l’Ecossais. On ne peut laisser les choses en l’état, a-t-il encore dit. Dans certains pays, comme l’Allemagne et la Suisse, les clubs sont soumis à des règles plus astreignantes, en terme de garanties bancaires ou de niveau d’endettement par rapport aux actifs, explique le responsable. Ce sont les modèles que nous regardons, poursuit-il, prévenant que l’UEFA veut promouvoir le fair-play financier.