BVA, Women Sports et Uptowns ont réalisé une étude sur la visibilité des joueuses et l’implication des marques au cours du dernier Euro féminin suivi par 365 millions de téléspectateurs dans le monde, dont 38,7 millions de Français du 6 au 31 juillet. Les marques doivent-elles insister sur les différences avec le football masculin ou bien tout simplement les gommer ?
Le football reste le sport favori des Français qui déclarent à 56% avoir déjà suivi un match à la télévision selon l’étude WomenSportsValues.
Ce n’est donc pas une surprise si les matchs de football féminin ne dérogent pas à cette règle. L’Euro Féminin apparaît même en deuxième sur le podium des compétitions sportives féminines les plus connues et suivies. Principalement par des hommes : 33% d’entre eux déclarent ainsi avoir déjà suivi les précédentes compétitions contre 13% des femmes.
Elles sont néanmoins 48% à envisager de suivre la compétition à l’avenir.
« Les records d’audience enregistrés pour la compétition 2022 présagent un avenir radieux pour le football féminin mais soyons réalistes les chiffres restent encore très éloignés des audiences enregistrées pour l’Euro 2021 par exemple qui avait réuni pas moins de 5,2 milliards de téléspectateurs sur l’ensemble de la compétition. Même si nous pouvons nous réjouir d’un intérêt croissant du public et notamment des femmes, le football féminin et de manière globale le sport féminin pâtit d’un manque de porte-drapeau sur lequel s’appuyer », commente Stanislas Seveno, Directeur du Pôle Telecom Media Entertainment chez BVA.
En dehors des terrains, les matchs se sont également poursuivis sur les réseaux sociaux et notamment sur Instagram pour les 368 participantes du tournoi. Cet espace est devenu un enjeu stratégique. En effet, les réseaux sociaux sont aujourd’hui le 3ème média de prédilection des Français derrière la télévision et la presse pour suivre les compétitions sportives et l’Euro Féminin attire majoritairement un public jeune : 27% des 25-34 ans déclarent avoir déjà suivi la compétition contre 18% des retraités.
Sur les 16 équipes nationales qualifiées pour le tournoi disputé en Angleterre cette année, 359 joueuses (sur 368 participantes) disposent d’un compte Instagram et seule la Néerlandaise Lieke Martens dénombre plus d’un million d’abonnés. La première Française du palmarès dressée par les équipes d’Uptowns, Sakina Karchaoui (PSG), apparaît à la 4ème place avec 581.000 abonnés (à fin juillet 2022) et la seconde, Wendy Renard, seulement à la 25ème place (avec 218.000 abonnés). Sur les 23 Bleues de l’Euro, seules six d’entre dénombrent plus de 100.000 abonnés.
Parmi les nations les plus représentées en nombre total d’abonnés, la France se classe cinquième, derrière l’Angleterre, équipe championne du tournoi, les Pays-Bas et l’Espagne. Même si le volume de publications des joueuses françaises (106 au total) est moins important que celui réalisé par les Suédoises (183 posts), les Anglaises (164), les Allemandes (146), les Espagnoles (133), les Autrichiennes (132), les Portugaises (108) et les Hollandaises (107), les publications des Bleues ont « suscité davantage d’engagement de leur communauté » que celles de leurs voisines européennes, à l’exception des Anglaises.
« Il est toujours plus difficile d’être reconnue lorsqu’on pratique un sport collectif, commente Bruno Lalande, président de Women Sports. Et c’est là qu’entre en scène les marques dont le rôle n’est pas négligeable, non seulement en tant que sponsors d’une équipe mais aussi fer de lance de certaines sportives. Sur les 368 joueuses participantes, seules 28 d’entre elles ont été nommément citées par les différentes marques engagées. La Française Marie-Antoinette Katoto a ainsi pu bénéficier d’une belle visibilité sur cette séquence grâce à deux mentions de marques sponsors Instagram qui ont généré plus 51.300 likes, très loin devant les autres sportives mentionnées. »
Sur le panel de 66 marques suivies durant le tournoi (sponsors de la FFF, de l’UEFA et équipementiers), seules dix ont nommément cité des joueuses en lice dans leur communication Instagram. 185 posts ont été publiés par l’ensemble des marques sur la compétition, soit une mise en visibilité du football féminin à hauteur de 22,3% de leur production éditoriale sur la période (831 posts). Puma (14 posts) est de loin la plus active mais c’est Nike qui émerge avec un taux d’engagement plus important (51.300 likes avec seulement 2 posts vs. 69 600 likes / 14 posts pour Puma).
D’un point de vue qualitatif, les différents contenus produits par les sponsors au sujet de leur engagement auprès des footballeuses et de l’Euro féminin traduisent une tension entre d’une part l’apport au monde du football des qualités inhérentes au sport féminin et d’autre part le rejet d’une distinction – défavorable aux joueuses – entre le football (par défaut masculin) et le football féminin.
« Certaines marques ont joué à fond la carte de la féminisation du football en insistant sur les différences biologiques comme la mise en lumière de la persévérance des sportives après leur accouchement, d’autres ont préféré renverser les codes, se départir des stigmates et préjugés, à l’image de la campagne #NotWomensFootball de Volkswagen qui va un cran plus loin en récusant le terme « football féminin », analyse Dorothée Kopp, Directrice de la recherche chez Uptowns. La diversité des stratégies de communication adoptées par les marques durant cette séquence nous renvoie aux dilemmes que rencontre notre société de manière générale sur ces questions d’égalité femmes-hommes et nous pousse à nous interroger. L’introduction des femmes dans un milieu jusqu’alors masculin doit-elle se faire en insistant sur les différences des femmes et sur leur caractère complémentaire, quitte à renforcer des stéréotypes, ou doit-elle se faire en gommant les différences pour se retrouver autour d’un tronc de valeurs et de passions communes, quitte à invisibiliser les obstacles qui se dressent encore entre les sportives et leurs carrières ? »
Méthodologie :
Baromètre BaroSport 360 : étude quanti réalisée online du 29 mars au 5 avril 2022 auprès de 2000 Français de 18 an et plus.
Suivi et analyse de l’activité des comptes Instagram des sportives et marques réalisés par l’agence Uptowns du mercredi 6 au dimanche 31 juillet 2022.