La crise financière traversée par le pays n’est pas forcément de bon augure pour les associations sportives. Faire du sport a un coût et même si la plupart des fédérations mettent tout en oeuvre pour proposer des tarifs compétitifs, force est de constater que le prix d’une adhésion à une association sportive peut constituer un frein à la pratique sportive. L’analyse de Patrick Mignon, sociologue et chercheur à l’INSEP.
Même si la démocratisation des activités physiques et sportives est incontestable, des marqueurs sociaux demeurent, constate Patrick Mignon. Outre des disciplines comme la voile ou le golf qui nécessitent des revenus importants, les sports d’hiver, le tennis et la marche sportive (la randonnée en montagne, trekking) connaissent une pratique plus importante de la part des groupes sociaux les mieux dotés financièrement et culturellement. Si on considère que la bonne intégration sociale d’un individu suppose de pouvoir circuler dans des univers sociaux différents et si on fait l’hypothèse que le sport participe de la dynamique d’intégration, l’épaisseur du portefeuille d’activités sportives pourra être un élément tout à fait favorable. Mais alors que le sport est souvent présenté comme un moyen d’intégration, on pourrait faire la proposition inverse: il faut être intégré pour faire du sport. L’engagement le plus fort dans le sport, celui des licenciés et des compétiteurs, est le fait d’hommes jeunes poursuivant leurs études ou ayant une activité professionnelle. Ce sont des individus qui connaissent une mobilité sociale et qui appartiennent à des groupes plutôt bien insérés économiquement, qu’ils soient ouvriers, membres des professions intermédiaires, cadres ou membres des professions intellectuelles supérieures. Outre les sports de jeunes, il existe des sports de pauvres, les sports de combat par exemple, et des sports de riches qui pour la plupart présentent un droit d’entrée élevé (coût du matériel ou de l’inscription au club, possibilités de partir à la mer ou à la montagne, etc.). Notons que les sports populaires (pour les plus âgés, la chasse, la pêche, les boules; pour les plus jeunes, les sports mécaniques et le football) supposent une insertion économique et sociale satisfaisante. Il poursuit : La pratique du sport présente par ailleurs un paradoxe: les membres des classes populaires, qui disposent souvent du temps libre le plus important, n’ont souvent pas les moyens économiques ou culturels nécessaires pour en profiter; et ceux, comme les cadres, dont la charge de travail professionnelle est importante, peuvent gérer au mieux leur temps de loisirs en le segmentant. Ainsi, faire du sport n’empêche pas de lire, d’aller au cinéma ou de sortir. Et ne pas faire de sport, c’est aussi, parfois, passer une grande partie de son temps de loisir à regarder la télévision.
Preuve que les questions économiques sont préoccupantes pour les sportifs, la récente création de la première salle de fitness low cost en France fait salle comble depuis son ouverture.
L’affirmation de la sociabilité
Selon Patrick Mignon, deux préoccupations paraissent dominer l’entrée dans la pratique sportive : D’un côté, la recherche du bien-être et d’un équilibre personnel ; de l’autre, l’affirmation de la sociabilité. Pour la majorité des personnes, l’attrait du sport est d’être d’abord une pratique sociale, cette dimension primant sans conteste sur la recherche de la performance, le désir de compétition ou le goût du risque. Les lieux de pratique suggèrent aussi, outre la recherche du contact avec la nature, le refus des contraintes : 63% des activités se déroulent en pleine nature, 47% dans des espaces aménagés, comme les parcs ou les parcours de santé, 34% dans la rue, des pourcentages très supérieurs à celui des pratiques faisant appel à l’utilisation d’équipements dont l’accès est payant comme les piscines (26%) [Ndlr : Résultats de l’enquête 2000 menée par la Mission statistique du ministère des Sports et le Laboratoire de sociologie de l’INSEP].