Lorsqu’un constructeur s’inscrit en Formule 1 doit-il être un simple motoriste ou détenir sa propre écurie ? La règle en la matière… c’est qu’il n’y a pas de règle. Et lorsqu’il s’agit de Renault, c’est encore plus vrai.
On devrait en avoir l’habitude, mais non. A chaque fois, Renault arrive à surprendre par sa stratégie. Simple motoriste depuis 2009, le constructeur français pourrait revenir en tant qu’écurie de Formule 1 dès 2017, perpétuant ainsi son instabilité en la matière, malgré un savoir-faire indéniable.
Rappel des épisodes précédents. La marque au losange a déjà roulé sous sa propre bannière, entre 1977 et 1988 puis entre 2002 et 2009, enlevant les titres des constructeurs et des pilotes en 2005 et 2006 avec Fernando Alonso au volant. Entre temps, le constructeur français a raflé six titres consécutifs en tant que motoriste (de 1992 à 1997), ainsi que cinq titres de champion du monde des pilotes (1992 Nigel Mansell, 1993 Alain Prost, 1995 Michael Schumacher, 1996 Damon Hill et 1997 Jacques Villeneuve). Crise économique oblige, crise du marché de l’automobile, et dans la foulée crashgate de Singapour en 2008 (Flavio Briatore, alors patron de l’équipe, avait demandé à son second pilote, Nelson Piquet Jr, de provoquer volontairement un accident pour favoriser la remontée de son leader, Fernando Alonso), Renault cède son écurie, mais reste en tant que motoriste. Avec Red Bull, le couple va écraser la F1 pendant quatre ans.
Red Bull gagne, mais Renault perd
Mais aujourd’hui, cette position ne convient plus à Renault. La réflexion du constructeur français, engagée depuis l’été 2014, est née d’un constat : Nous ne sommes pas satisfaits de nos retombées en F1, explique Cyril Abiteboul, directeur général de Renault Sport F1. Quand Red Bull gagnait avec notre moteur (8 titres pilotes et constructeurs entre 2010 à 1013), on n’entendait pas parler de Renault. Maintenant qu’ils ont des difficultés, on parle énormément de nous. Cela nous interroge. Laisser Infiniti (la marque de luxe de Nissan, son partenaire de l’Alliance Renault-Nissan) s’inscrire sur les monoplaces autrichiennes, et s’installer en tant que sponsor-titre de l’écurie, n’a pas aidé non plus à la reconnaissance de Renault… Le modèle du simple fournisseur ne fonctionne plus estime aujourd’hui Renault.
Le retour en tant que constructeur à part entière pourrait se faire dès 2017. Nous irons au bout de notre contrat de motoriste, qui s’achève fin 2016, mais après, tout est possible, explique Cyril Abiteboul. Pour que nos équipes aient le temps de s’organiser, nous prendrons une décision avant la fin de cet été.
Ses équipes dissèquent trois options : le retrait complet, le statu quo, le rachat d’une écurie. La première hypothèse ne tient pas la corde : Nous sommes très attachés à notre présence en F1, quasiment continue depuis 1977, comme motoriste ou écurie. Peu de marques sont autant installées, insiste le responsable de Renault Sport F1. La deuxième option est menacée par les difficultés actuelles avec Red Bull.
Depuis que la FIA a imposé un moteur hybride, le couple franco-autrichien bat de l’aile, le vendeur de boisson énergisante accusant ouvertement son fournisseur des mauvais résultats. Comme partenaire, on a vu mieux… Renault commence doucement à réagir aux attaques de l’ex-écurie dominante du Championnat du monde de F1.
Abiteboul souligne que le travail de Red Bull est aussi en cause : La complexité de ce moteur est telle qu’il ne peut pas être performant sans une interaction technique totale avec l’écurie. Si Mercedes gagne aujourd’hui, c’est parce que c’est une équipe unique avec un management unique.
Si vous regardez 2014, ce fut très difficile pour nous, analysait récemment Cyril Abiteboul. Nous sommes passés de quatre clients, avec de très bonnes équipes, comme pour Lotus, à deux équipes toutes deux sous la propriété et le contrôle de Red Bull. Cela signifie que nous avons en quelque sorte un seul client et notre priorité est de satisfaire ce client. Mais c’est une situation où nous sommes totalement dépendants de Red Bull.
Red Bull a moins investi en F1 ces dernières années que nous !
Reste donc l’option rachat. Cela tombe bien, des écuries à vendre il y en a plusieurs en ce moment. Inutile d’aller chercher très loin. Une écurie en particulier apparaît comme une cible prioritaire : Toro Rosso. Tandis que Red Bull encaisse mal la domination de Mercedes et menace de quitter la F1 – Nous allons réfléchir à un scénario de sortie dans le cas où le rapport investissement/ bénéfice ne tiendrait plus la route, avait lancé Helmut Marko, l’un des responsables, après le Grand Prix d’Australie, ndlr -, sa filiale pourrait intéresser Renault.
S’il s’engageait en tant qu’écurie, le budget F1 du constructeur ferait moins que doubler estime Cyril Abiteboul. Grâce à ses succès, qui lui ont permis d’engranger droits TV et sponsors, Red Bull a moins investi en F1 ces dernières années que nous !, pointe le dirigeant. Ce qui souligne involontairement le problème majeur de Renault en F1 au cours des dernières années : le savoir-faire a souvent été au rendez-vous, le faire-savoir un peu moins…